Le Texas avait la famille Ewing, maintenant ils ont en plus les McCulloughs ! Sous la plume de Philip Meyer, cette nouvelle dynastie passionnante traverse les époques tout en nous tenant en haleine d’un bout à l’autre de cette brique de près de 700 pages.
Qu’est-ce qui vous a inspiré cette saga familiale?
«Tout a commencé quand j’ai appris ce qui s’était passé dans les années 1915-1918 où beaucoup de propriétaires mexicains, établis au Texas, ont été massacrés par des Texas rangers et par des propriétaires anglo-américains. Cette histoire n’est pas très connue, et je me suis dit que j’avais envie un jour d’écrire là-dessus.»
C’est une brique. Il vous a fallu longtemps pour écrire ce livre?
«Presque cinq ans!»
Vous avez rassemblé beaucoup de documentation?
«Oui. J’ai dû lire environ 350 livres pour m’informer sur tout ce qui compose le cadre du roman. Mais je ne les ai pas tous lus d’un coup. Pendant très longtemps, j’ai écrit jusqu’à ce que je rencontre une difficulté particulière ou que je me rends compte que j’étais sur un terrain un peu instable. A ce moment-là, j’allais lire un livre sur le sujet concerné.»
Et vos connaissances sur les Comanches, les scalpes?
«Cela a été assez simple de se documenter sur les comanches, leur culture parce qu’il y a au moins une vingtaine de livres qui sont des classiques sur le sujet, pour la plupart écrits entre les années 1909 et 1930, principalement par des auteurs blancs, mais qui étaient là à une époque où ils pouvaient encore recueillir des souvenirs de cette période. Ce qui a été plus délicat, cela a été de réussir à avoir des informateurs contemporains pour leur soumettre tout ce qui les concernait dans le livre afin d’être sûr que je n’avais pas fait d’erreur. Mais à un moment donné j’ai rencontré les bonnes personnes. Certains sont devenus des amis. Et cela m’a permis d’être sûr de ce que j’avais fait.»
Comment sont nés vos personnages?
«Le premier personnage qui m’est venu à l’esprit, c’est celui de Jeannie. J’avais écrit dans mon premier roman, ‘Un arrière-goût de rouille’, une histoire à propos de la classe laborieuse de gens un peu exclus du rêve américain comme si cela marquait un peu la fin de la classe moyenne. Et je savais que mon deuxième livre allait s’intéresser à l’autre extrémité du spectre, à savoir les gens riches, ceux qui ont tout. J’ai commencé à écrire un personne qui était un homme et appartenait à l’Amérique qui a réussi. Mais cela ne marchait pas vraiment. Parce que j’avais envie que ce personnage ait quand même des difficultés. Il fallait que ce soit une femme parce que c’est moins évident pour les femmes. Elles doivent plus souvent se battre et sacrifier pas mal de chose pour y parvenir. Pour le second personnage, celui de Peter, il est arrivé assez facilement parce que dans un roman comme celui-ci, j’avais besoin d’un personnage qui se rebelle contre l’ordre établi, la mythologie familiale,… Cela ne pouvait être qu’un fils qui s’oppose à son père qu’il remet en cause. Le fils qui donne son titre au roman. Et tout curieux que cela puisse paraître, Eli est le dernier personnage qui m’est venu à l’esprit et il est arrivé à mi-parcours. Je me suis rendu compte que ce personnage dont Peter et Jeannie parlait régulièrement, cela ne fonctionnait pas s’il restait seulement cité par les autres.»
Les formes de narrations varient en fonction des personnages. Comment les avez-vous choisies?
«Au départ, tout le monde était écrit à la troisième personne. Encore une fois, je me suis rendu compte que cela ne fonctionnait pas si je voulais donner à chacun une personnalité et installer une temporalité différente dans le roman il fallait que je change. Il était évident pour moi qu’Eli devait avoir la première personne, la voix fondatrice. Et que Peter, parce qu’il y a une part de mystère liée aux choix qu’il fait, à son destin, et qu’il y a la particularité de la période à laquelle il écrit, qu’on avait besoin que son intervention soit comme un document historique qui reflèterait une mentalité et une époque. C’est comme cela que le journal intime s’est imposé. Et finalement, Jeannie est restée dans ce qui était sa forme originale, la troisième personne. Cela permettait d’avoir trois voix distinctes.»
Vous connaissiez toute l’histoire en commençant à écrire?
«Non. Je savais que le livre allait s’achever sur la destruction. Ce qui m’intéressait c’était d’aller de la naissance d’une famille à son déclin.»
Comment passe-t-on de trader à Wall Street à romancier ?
«C’est compliqué parce que l’on ne devient pas écrivain, on a cela en soir et on décide de s’investir dans quelque chose qui sera forcément un peu compliqué. Ce qui m’est arrivé, assez prosaïquement, c’est que j’ai commencé à écrire bien avant de faire un passage à la banque. Mais à un moment donné, j’étais chez mes parents, je ne gagnais pas un rond, il fallait que je trouve un boulot…»
Christelle
Tout en nous contant la saga d’une famille texane, les McCullough, Philipp Meyer, finaliste du prestigieux Prix Pulitzer 2014, dresse une vaste fresque de l’Amérique des années 1850 à nos jours. Au cœur du récit, trois personnages, dont les voix s’alternent. Eli, le patriarche surnommé «le Colonel». Enlevé à l’âge de onze ans par les Comanches, il passera avec eux trois années avant de revenir à la civilisation, s’engager dans la guerre de Sécession et devenir un grand propriétaire. Vient ensuite «le fils», Peter, écrasé par l’aura de son père, qui profitera de la révolution mexicaine pour faire un choix qui bouleversera son destin et celui des siens. Et puis, il y a Jeannie, l’ambitieuse et sans scrupules petite-fille de Peter, propulsée à la tête d’une des plus grosses fortunes du pays. Traduit en plus de vingt langues, ce deuxième roman de l’auteur, toute brique q’uil soit, se laisse dévorer en quelques jours à peine. Ce n’est évidemment pas pour rien que le NY Times a classé l’auteur parmi les 20 meilleurs écrivains de moins de 40 ans !
«Le fils», de Philipp Meyer, éditions Albin Michel, 688 pages, 23,50 €
Cote : 4/5